Montreux Jazz Festival

Montreux, 30.06.2016 - Rede von Bundesrat Alain Berset anlässlich der offiziellen Eröffnung der 50. Ausgabe des Montreux Jazz Festival – Es gilt das gesprochene Wort.

Nous célébrons la cinquantième édition du Festival international de Jazz de Montreux, le « Montreux Jazz Festival », comme on s'est plu à le nommer pour être plus rapidement compris à travers le monde en faisant l'économie d'un adjectif et deux petits « de ».

A la question « qu'est-ce que le Jazz ? », le clarinettiste Pee-Wee Russell répondait ceci : « C'est difficile à dire avec des mots ». On comprend mieux dans ces conditions qu'il faille parfois en enlever.

Pas facile en effet de définir un style qui n'a cessé d'évoluer, au risque parfois de s'égarer dans la modernité.

Les musiciens eux-mêmes avouent ne pas toujours bien s'y retrouver : « A chaque époque, il y a eu quelque chose : le swing, le boogie-woogie, etc, et à chaque fois ça a produit la même agitation que nous voyons se développer aujourd'hui. Heureusement, tout se tassera, mais la
musique, elle, restera
 ». Ce constat philosophique émane d'un autre clarinettiste, Woody Herman, mort en 1987, ruiné par un manager indélicat et dépossédé de son prénom par un réalisateur à lunettes.

Le Jazz n'est donc rien d'autre que de la musique qui glisse, libre, entre le temps et les époques. Bobby Hackett, l'un des plus grands cornettistes, qui accompagna Glenn Miller et Benny Goodman, le relevait à sa manière : « Ce qui est vraiment drôle, c'est d'entendre ces jeunes essayer de jouer comme des vieux ».

Le Jazz serait donc aussi un lien entre les générations, un peu comme une AVS faite non de cotisations, mais de swing et de rythme.

Le Jazz aurait par ailleurs certaines vertus thérapeutiques.

Le pianiste Dave Brubeck a souvent joué avec son groupe dans les institutions pour les malades psychiques de l'armée américaine. Il déclarait y avoir trouvé là son meilleur public : « Ces gens, dans les services de psychopathologie, étaient le meilleur public que nous avions eu. (...) L'un d'eux, n'ayant pas parlé depuis des années, s'est mis à chanter. Nous avons obtenu, en une demi-heure, plus de résultat que les médecins n'en avaient jamais eu ».

Etant toujours à la recherche de solutions pratiques en matière d'assurance-maladie, vous comprendrez que je ne vienne pas ici par hasard.

Toutes ces citations et anecdotes pour dire que le Jazz est aussi un état d'esprit et si l'on a toujours un immense plaisir à les entendre jouer, on ne réalise pas ce que l'on perd à ne pas écouter parler tous ces musiciens qui font ou ont fait la légende du Jazz.

Si certains d'entre eux ne savaient pas même lire les notes, tous savent en revanche aujourd'hui situer Montreux sur la carte du monde.

Selon le taux de change pratiqué par la Banque mondiale de la musique, 1 Keith Jarrett et 1 Charles Lloyd valaient en 1967 environ 500 Arthur Honegger.

10'000 francs, soit 500 billets de 20 francs, c'est en effet la somme qui aurait été investie au mois de juin de cette année-là pour attirer à Montreux ces deux grands du jazz qui se produisaient alors au sein de la même formation.

Keith Jarrett s'était fait remarquer comme pianiste des Jazz Messenger d'Art Blakey. Et Charles Lloyd entretenait de solides et « saxophoniques » amitiés avec le grand Cannonball Adderley et avec le déjà « toujours jeune » Herbie Hancock. Herbie Hancock qui fera à nouveau le bonheur de Montreux dans trois jours.

C'est à un certain Claude Nobs, enfant de Territet, rêveur et mélomane, que l'on doit la venue improbable de ces seigneurs du Jazz en cette partie de la Suisse romande qui n'était à l'époque musicalement réputée que pour le clapotis de ses eaux et le chant de ses canards.

Un demi-siècle plus tard, nous fêtons les fruits de son investissement de départ, ce qui nous donne à penser que cette toute première édition du festival dût connaître un certain succès, sur un plan musical comme sur un plan financier.

En 1967, le Jazz était plus âgé que ne l'est aujourd'hui le Festival de Montreux. Né à la fin du XIXe siècle dans les maisons closes de la Nouvelles Orléans, il est arrivé fourbu et sans doute un peu claustrophobe sur la Riviera vaudoise, après avoir transité par les clubs enfumés de Kansas City, Chicago, et de New-York, puis s'être enterré dans les caveaux parisiens de Saint-Germain.

Les vents du lac ne pouvaient faire autrement que l'aérer et le rajeunir.

Ce qui fait toute la particularité de la musique jouée ici depuis 1967, c'est qu'elle est un métissage de blues, de be-bop et de free-jazz, auquel vient encore se mêler le souffle chaud de la vaudaire et le battage tempétueux du bornan.

Placée sous les meilleurs auspices musico-climatiques, la légende montreusienne était née.

Deux ans après la création du festival, débarquait Ten Years After. On aurait pu croire que c'était une erreur de calcul et que Claude Nobs ne savait pas bien compter.

Il s'agissait au contraire d'un coup de génie : convier des musiciens de rock dans un festival de Jazz, c'était asseoir la réputation internationale de Montreux.

Mais c'était également prendre le risque d'accueillir un nouveau public susceptible d'effrayer la population indigène. Susceptible aussi d'abîmer le patrimoine architectural, comme ce Casino d'inspiration « Belle Epoque » qu'un membre de la section des artificiers du fan-club de Frank Zappa transforma plus tard involontairement en brasier et, plus involontairement encore, en riff de guitare planétaire.

Cette image est restée gravée dans les archives comme dans nos mémoires.

De nombreuses autres images sont également restées.

Je veux bien sûr parler des affiches du festival, dont la beauté a encore rajouté au plaisir des sens. En 1982, c'est Jean Tinguely qui la signait et la dotait de son fameux logo, offrant au festival un second feu d'artifice, de couleurs cette fois. Cette affiche comportait d'ailleurs tellement de couleurs différentes que lorsque Claude Nobs posait devant avec une chemise, on ne le voyait plus du tout.

La venue de Miles Davis à dix reprises a également contribué à écrire l'Histoire. C'est ici qu'il a pris le plus de plaisir à jouer en tournant le dos à son public : il ne se lassait en effet pas d'admirer le lac et les montagnes pendant ses solos.

Contrairement aux concerts de Jazz, les discours sur le Jazz n'ont pas vocation à s'éterniser et il me faut conclure, sur une touche un peu moins réjouissante ma foi.

Jusqu'à il y a peu, le Montreux Jazz Festival aurait pu prétendre au titre de plus grande manifestation mondiale du genre.

Mais, depuis 2013, un nouveau festival le surclasse largement.

S'y produit chaque année un grand orchestre dirigé par Count Basie, au sein duquel évoluent Lester Young, Charlie Mingus, Errol Garner, John Coltrane et Dizzy Gillespie. Ils accompagnent Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, parfois même Freddy Mercury, David Bowie ou Prince.

Ce festival se tient non loin d'ici, quelque part là-haut, peut-être au-dessus des Rochers-de-Naye, et c'est bien sûr Claude Nobs qui le programme.

Ici-bas, le rendez-vous est désormais entre les mains de Matthieu Jaton : longue vie au Montreux Jazz !


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