La Liberté – 11.09.2018
La Liberté: A 46 ans, vous êtes le plus jeune président de la Confédération depuis près d’un siècle. Et voilà que vous allez rencontrer demain à Paris un président français cinq ans plus jeune. Ça doit être un sentiment bizarre?
Alain Berset: Non, je m’y suis déjà habitué. En janvier, j’ai vu le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qui est encore bien plus jeune. Je ne sais pas si ça facilite le contact, mais je crois pouvoir dire, sans passer pour un vieux, que nous faisons partie de la même génération. J’ai déjà rencontré Emmanuel Macron il y a un peu moins d’une année. Nous avons eu un très bon contact, malgré un échange bref. Là, à Paris, ce sera l’occasion d’aborder des thèmes qui concernent les deux pays et notamment la question européenne, dans laquelle il est très impliqué.
Malheureusement, Emmanuel Macron a une image assez négative de la Suisse, de pays profiteur qui picore dans l’Union européenne ce qui lui plaît…
Nous allons certainement en parler. C’est difficile de réduire à cela un pays qui a prouvé à maintes reprises par des actes sa solidarité sur le plan européen. J’étais présent il y a deux ans à l’inauguration du tunnel de base du Gothard, avec tous les chefs d’Etat des pays qui nous entourent. Ils ont tous reconnu la contribution incroyable que la Suisse a apportée aux infrastructures européennes: nous avons investi là 23 milliards de francs. On pourrait évoquer aussi la collaboration transfrontalière, les coopérations policières, le domaine de la santé.
Qu’allez-vous lui dire par rapport à l’accord institutionnel, en cours de négociations?
Nous allons faire le point de la situation. Mais je ne pourrai pas lui en dire beaucoup plus comme nous sommes en train d’en discuter de notre côté, en prenant en compte ce qui s’est passé durant l’été.
Vous croyez encore à une signature de l’accord cette année?
Il faut vraiment que le Conseil fédéral se penche sur les résultats obtenus et procède à une analyse de la situation. Nous serons seulement ensuite en mesure de dire ce qu’on peut faire ou non.
Bruxelles demande de revoir les mesures d’accompagnement. Les syndicats et les socialistes freinent des quatre fers. Est-ce aussi votre cas?
Dans un pays qui a une démocratie directe comme la Suisse, pour chaque pas que l’on réalise, on doit être sensible à la capacité d’obtenir des majorités. Nous souhaitons conclure un accord institutionnel pour stabiliser nos relations avec l’UE et accéder au marché européen. Mais il a toujours été clair aussi qu’à chaque nouveau pas, les conditions doivent être remplies non seulement sur le plan de la politique extérieure, mais aussi sur le plan de la politique intérieure.
En cas d’échec des négociations cette année, faut-il s’attendre à des sanctions européennes?
Nous allons déjà dresser un bilan et mener une discussion sur la manière de continuer, sur les pas suivants. Mais nous avons des relations très étroites avec l’UE. Notre pays a montré maintes fois son attachement aux accords bilatéraux. Et on doit chercher de part et d’autre un chemin qui nous permette d’avancer.
Ce chemin pourrait-il prendre la forme d’un accord intermédiaire avec l’UE?
Tout ça est vraiment encore à discuter au sein du Conseil fédéral.
Cette semaine encore?
C’est une discussion qui ne se mène pas en une seule fois. Nous nous donnons un peu de temps. La qualité de la discussion doit l’emporter sur le tempo.