Un colloque pour débattre de l’hostilité envers les musulmans

Fribourg, 11.09.2017 - La perception à l’égard de l’islam et des musulmans en Suisse a profondément changé ces dernières années. Trois cent personnes se sont réunies lundi 11 septembre 2017 à Fribourg pour aborder le thème de « l’hostilité envers les musulmans ». Le colloque a été conjointement organisé par la Commission fédérale contre le racisme (CFR), le Centre Suisse Islam et Société de l’Université de Fribourg (CSIS) et le Centre de recherche sur les religions de l’Université de Lucerne (ZRF). Au travers de diverses études et observations du terrain, les intervenants du jour ont mis en lumière l’évolution du discours dans le débat public et le regard actuel porté sur les musulmans en Suisse.

Regroupant experts, praticiens et personnes issues de la société civile, le colloque « Hostilité envers les musulmans : société, médias, politique » avait pour objectif de débattre des questionnements suivants : Qu'entend-on par « hostilité envers les musulmans » ? Qui sont les musulmans de Suisse ? De quelle manière sont-ils (re)présentés dans le discours politique et les médias ? Comment déconstruire les préjugés liés à l'islam et aux musulmans ?

Dans son message à l'attention des participants, le conseiller fédéral Alain Berset, chef du Département fédéral de l'intérieur (DFI), a mis en garde contre tout amalgame associant islam et terrorisme: « Aujourd'hui, nous devons faire très clairement la différence entre le débat d'idées, parfaitement légitime, portant sur les valeurs et sur les opinions, et l'hostilité envers les personnes musulmanes, qui rend l'islam responsable de tous les actes extrémistes commis en son nom ».

Le professeur Hansjörg Schmid, directeur du CSIS, a rappelé les limites du concept d'hostilité envers les musulmans et les risques à réduire cette forme d'inimité au facteur religieux. Il a invité l'assemblée à considérer la présence des musulmans également sous le prisme de la participation sociale.

Le professeur Martin Baumann, directeur du séminaire de science des religions à l'Université de Lucerne, a évoqué le point de vue des jeunes musulmans en Suisse : « Ils aspirent à ce que l'islam et les musulmans soient perçus dans l'Etat et au sein de la société comme faisant partie intégrante de la Suisse, sans avoir à dissimuler le côté musulman de leur identité. Ils attendent à ce que les communautés et associations musulmanes s'ouvrent plus fortement et s'engagent davantage socialement afin de changer positivement l'image et la perception de l'islam ».

Alma Wiecken, juriste auprès de la CFR et Amina Benkais-Benbrahim, déléguée à l'intégration du canton de Vaud, ont délivré, au travers de leur travail de terrain, le constat suivant : « Les manifestations hostiles et discriminatoire liées exclusivement à l'identité religieuse sont réelles et ont la spécificité d'être exacerbées par un contexte global de plus en plus sensible, qui génère des questionnements et des peurs dans la société d'accueil, peurs dont il faut tenir compte ».

Le Professeur Wolfgang Benz, de l'Université technique de Berlin, s'est penché sur le concept et la définition de l'hostilité envers les musulmans : « Le phénomène actuel d'hostilité à l'égard de l'islam peut être défini comme un ressentiment qui se manifeste par des actes de discrimination ou d'exclusion pour des motifs religieux, culturels et politiques envers une minorité de citoyens ou de personnes vivant dans notre société, pour la seule raison qu'ils sont musulmans. » Et d'ajouter que le paradigme de l'antisémitisme offre une aide utile pour expliquer le comportement de certains groupes à l'égard des musulmans.

Mallory Schneuwly Purdie, responsable de recherche au CSIS, a invité l'assemblée à déplacer le regard et à envisager les musulmans de Suisse dans la pluralité de leurs appartenances. Elle a précisé que les réduire à la seule référence religieuse contribue catégoriser et racialiser leur action et leur présence. Samuel M. Behloul, professeur à l'Université de Lucerne, a expliqué que la migration peut aussi engendrer une diversité religieuse, culturelle et linguistique - historiquement singulière - au sein d'une seule et même communauté religieuse, dans un seul et même
environnement social.

Dans une étude mandatée par la CFR, l'institut fög de l'Université de Zurich (Forschungsinstitut Öffentlichkeit und Gesellschaft) a analysé la couverture et la perception des musulmans dans dix-huit médias suisses pendant la période de 2009 à 2017. L'institut a notamment recensé la diversité des thèmes traités, la manière de rapporter les faits ou encore la contextualisation. Patrik Ettinger a partagé les résultats de son étude : « Le degré de généralisation est moindre dans les comptes rendus portant sur les thèmes de la radicalisation ou du terrorisme que sur ceux de la pratique religieuse, la discrimination et l'impossibilité d'une intégration. En outre, les acteurs musulmans qui présentent des positions polarisantes ont une résonance médiatique plus forte ».

La présentation d'Oliver Wäckerlig, de l'Université de Zurich, a porté sur les réseaux sociaux hostiles aux musulmans : « Ces réseaux mondiaux répandent des théories du complot sur de supposés projets d'infirmation ou de conquêtes islamiques. Mêlées à la crainte d'attaques terroristes, ces théories influencent la société occidentale. Ces réseaux cherchent à influencer la politique et font preuve d'un professionnalisme croissant ».

La thématique des musulmans comme enjeu dans le discours politique a été traitée par Matteo Gianni. « La politisation constante de l'Islam et des musulmans se traduit pour eux en une injonction à l'intégration qui dévalue, symboliquement, le potentiel de cette dernière. Il est dès lors important de concevoir une conception politique et démocratique de la manière de penser l'intégration des musulmans et, plus généralement, de la manière de penser un vivre ensemble respectueux des libertés et des différences de chacun », a affirmé le professeur de l'Université de Genève.

Les divers échanges lors de la table ronde réunissant des membres de la communauté musulmane de Suisse (Nida-Errahmen Ajmi, Abduselam Halilovic, Dr. Montassar BenMrad, Dr. p.c. Rifa'at Lenzin), ont offert un éclairage différencié sur leurs conditions de vie réelles en Suisse, au-delà̀ des clichés.

Wolfgang Bürgstein et le professeur Frank Mathwig, membres de la CFR, ont partagé leurs observations au terme du colloque en soulevant cette question : « Notre perception et nos relations avec les musulmans ne sont-elles pas avant tout l'expression de notre propre incertitude vis-à-vis des traditions culturelles et religieuses occidentales face à la mondialisation, au consumérisme, au libéralisme ? »

Dans son message de clôture, la présidente de la CFR, Martine Brunschwig Graf, a relevé que le choix du thème de ce colloque a fait débat : « Cela démontre à quel point la question de l'hostilité à l'égard des musulmans nécessite d'être abordée clairement et sous différents angles afin de mieux identifier les moyens de la combattre et de la prévenir ». La CFR poursuivra le dialogue avec les différents acteurs de la société - associations, pouvoirs publics, partis politiques, médias, chercheurs - concernés par la problématique.

Le fait que le colloque ait eu lieu le 11 septembre permet à la CFR de rappeler que les crimes que des terroristes prétendent commettre au nom de l'islam doivent être dénoncés, leurs auteurs poursuivis et punis, les victimes honorées et maintenues présentes dans la mémoire de tous. Mais les crimes dont sont victimes tant de personnes innocentes ne doivent pas servir de prétexte à rejeter une population en raison de son appartenance religieuse. Les musulmans qui vivent en Suisse bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs prévus pour tous par la Constitution et les lois de ce pays. Dès lors, ils ont droit au respect et à la dignité garantis à chacun.  


Adresse pour l'envoi de questions

Martine Brunschwig Graf, présidente de la CFR, 079 507 38 00 ; martine@brunschwiggraf.ch
Gülcan Akkaya, vice-présidente de la CFR, 079 554 22 49 ; guelcan.akkaya@hslu.ch
Rifa’at Lenzin, membre de la CFR, tél 079 459 90 76 ; rifaat.lenzin@bluewin.ch


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