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Interviews, vidéos et articles invitésPublié le 19 mars 2025

Elisabeth Baume-Schneider : «Je crois fermement au pluralisme et à la tolérance»

Entretien avec Elisabeth Baume-Schneider, femme politique suisse, membre du Parti socialiste et du Conseil fédéral suisse et chef du Département fédéral de justice et police depuis le 1er janvier 2023.

13 septembre 2024 | Ticino welcome
Interview: Rocco Bianchi

Jurassienne, francophone d'origine suisse-allemande, diplômée en sciences sociales, assistante sociale, directrice d'école universitaire, passionnée de culture, aujourd'hui femme politique de profession... qui est vraiment Elisabeth Baume-Schneider ?

«Je suis une femme occupée, mère de deux jeunes enfants adultes, passionnée de politique, avec une envie insatiable d'agir pour plus de justice sociale, une meilleure compréhension et plus de respect entre les minorités et les institutions, mais aussi pour le positionnement de notre pays en Europe et à l'échelle internationale.»

En dehors de la politique, quelles sont vos passions et loisirs ?

«La passion des relations humaines, notamment à travers le temps que je passe avec ma famille et mes amis. Côté loisirs, j'aime beaucoup la littérature ainsi que la musique, passer du temps dans le jardin ou parfois ne rien faire. C'est aussi un passe-temps !»

Vous venez d'une région périphérique : avez-vous une vision différente de la Confédération et de la politique qui se déroule à Berne ?

«Oui, disons oui : je viens d'une région dite « périphérique », proche de la frontière avec la France. Détail curieux, le canton du Jura a une frontière plus longue avec la France qu'avec la Suisse. Cette proximité nous montre la nécessité de construire des relations de confiance avec tous nos partenaires, qu'ils soient les cantons, la Confédération ou l'Europe. C’est en cultivant le dialogue avec nos voisins et en travaillant de manière complémentaire que nous pourrons progresser. Ensuite, je dirais que ma vision de la Confédération s'enrichit des différences qui alimentent notre écosystème national, composé de différentes régions linguistiques, d'un tissu économique fort, d'universités prestigieuses, de villes, de campagnes et de montagnes. Bref, une richesse et une diversité remarquables sur un territoire relativement petit !»

Une Jurassique, probablement pas pro-bernoise, à Berne, notamment dans la salle du Conseil fédéral. Y avez-vous pensé lorsque vous y êtes entré pour la première fois ? Quelle émotion avez-vous ressenti ?

«Etre Jurassic, c'est aussi une façon de représenter mon canton, qui fête cette année ses 50 ans. Je tiens également à souligner qu'à l'époque, le Tessin était le canton qui avait approuvé l'entrée du Jura dans la Confédération avec le plus grand pourcentage de voix favorables ! Cela dit, mon élection au Conseil fédéral m’a ému. Cela a suscité en moi l'envie d'être à la hauteur des attentes de la population jurassienne, qui a su se battre pour sa culture et son autonomie, pour devenir membre à part entière de la Confédération.»

De travailleur social, donc en contact étroit avec les gens, à conseiller fédéral. Le contact quotidien avec les gens ne vous manque-t-il pas ? La distance que vous impose votre rôle actuel ne vous gêne-t-elle pas ?

«Dans le travail politique, le contact avec les réalités vécues par la population est fondamental. En me formant et en travaillant dans le secteur social, j'ai pris conscience de la spécificité des situations individuelles et de la nécessité de respecter le vécu des personnes qui se sentent en marge de la société. Les relations politiques ne relèvent pas de la même sphère personnelle, mais ont pour objectif d’établir la confiance et un dialogue de qualité. En tant que conseillère fédérale chargée de la culture, je suis en contact régulier avec la population. J'apprécie beaucoup cette proximité qui nous permet d'échanger sur les défis posés à notre politique culturelle mais aussi sur de nombreux problèmes sociétaux, notamment les coûts de santé. Le Conseil fédéral doit rester proche de la population, afin de pouvoir saisir et comprendre ses attentes et ses besoins, ainsi que les points de désaccord.»

Elle a été ministre de la Culture du canton du Jura et le reste à la tête du Département fédéral de l'intérieur. Avez-vous le temps de vous informer suffisamment sur la scène culturelle suisse?

«On n'est probablement jamais assez informé sur la culture, mais je prends le temps de regarder des films suisses, d'aller au théâtre, au cinéma et d'assister à quelques festivals de musique et tout cela me donne envie d'en savoir plus! Je tiens également à souligner l'importance de notre pluralité linguistique et la nécessité de respecter l'équilibre dans la représentation de nos langues et cultures nationales.»

Pouvez-vous nous dire quels sont vos goûts sur le sujet ? Qu’est-ce que tu aimes et qu’est-ce que tu n’aimes pas ?

«Côté musique, j'aime beaucoup la chanson française ; Je découvre aussi le rap avec mon plus jeune fils. Et bien sûr il y a mes «vieux» classiques comme Pink Floyd et autres pépites ! En parlant de littérature, j'apprécie Elisa Shua Dusapin et, en général, les romans qui proposent des témoignages personnels. Je pense par exemple au « Tigre triste » de Neige Sinno, ou aux livres de Sarah Jollien-Fardel, qui abordent des sujets de société douloureux et dont il faut parler.

Qu’est-ce que je n’aime pas dans la culture ? Lorsqu’il est exploité pour le soumettre à des idées extrémistes et dangereuses, comme le font par exemple certains petits négationnistes de l’Holocauste ou des groupes néo-nazis.»

Dans l’échelle de popularité et d’appréciation des conseillers fédéraux, vous êtes souvent en bas du classement. Comment l'expliquez-vous ?

«Je ne saute évidemment pas de joie lorsque l'enquête est publiée. Ces investigations n'ont toutefois aucune incidence sur mon engagement et ma volonté de mener à bien mon mandat au sein du Conseil fédéral.»

Après un an et demi au gouvernement, quel bilan pouvez-vous tirer ?

«C'est un privilège de pouvoir contribuer aux travaux de Conseil fédéral, mais aussi collaborer de manière rentable avec les cantons, comme celui du Tessin, même sur des questions difficiles. Je constate également une certaine polarisation du débat politique, que je déplore.»

Les épisodes d'intolérance et de racisme en Suisse, pays multiethnique et multiculturel par définition, se multiplient. Comment la politique, et pas seulement le Conseil fédéral, pourrait-elle inverser la tendance ?

«Envoyer un message très clair de tolérance zéro. Toute dérive doit être condamnée sans équivoque. Dans ce cas également, c'est un travail que nous devons réaliser en étroite collaboration avec les cantons et les villes. Enfin, je suis heureux que le Parlement fédéral ait accepté le principe d'un plan d'action contre le racisme et l'antisémitisme, que nous préparerons dans les plus brefs délais.»