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Communiqué de pressePublié le 30 juillet 2025

Moins de chiffres, moins de connaissances et moins de repères: les économies de la statistique fédérale sont contre-productives

Neuchâtel, 30.07.2025 — La Commission de la statistique fédérale (KBStat) commente la récente décision du Conseil fédéral de réduire substantiellement la taille de l’Office fédéral de la statistique.

La Suisse est en train d’endommager durablement la statistique publique, un de ses fondements aussi discrets qu’indispensables. Avec la suppression d’une quarantaine de postes à l’Office fédéral de la statistique (OFS), décidée le 6 juin 2025, et l’abandon ou la réduction de nombreux relevés, on va au-delà de la résolution d’un problème budgétaire: on affaiblit la capacité de notre démocratie à s’appuyer sur des faits. À l’avenir, l’OFS devra renoncer à des prestations statistiques importantes ou les réduire considérablement. Cette régression restreint le rôle de l’État, qui est notamment d’informer le public de manière objective, exhaustive et compréhensible sur les structures, les développements et les défis étatiques.

Impact majeur sur la fourniture d’informations au public

Établir des statistiques n’est ni une fin en soi, ni un hobby technocratique. Les statistiques constituent un fondement essentiel de toute politique reposant sur des faits probants, de toute décision économique et de tout débat public. Elles permettent de faire des comparaisons, de pointer des dysfonctionnements, de dégager des tendances et, surtout, d’établir un climat de confiance. Lorsque les statistiques disparaissent, lorsqu’elles ne sont plus publiées que sous une forme édulcorée, nous perdons notre capacité à identifier les évolutions à temps et à y réagir.

Les coupes prévues ne concernent pas seulement les contenus, mais aussi l’intégration et la transmission des données. Et c’est précisément là que réside une fonction centrale de l’OFS, souvent méconnue: promouvoir la compétence en matière de données de la population. Sans contextualisation, les statistiques restent abstraites, risquant même d’être utilisées à mauvais escient. Renoncer à des rapports explicatifs ou à des systèmes d’indicateurs, par exemple pour la mesure du bien-être, c’est priver les citoyens d’informations étayées. Or, de telles informations sont essentielles pour un discours politique ouvert et orienté vers les objectifs.

La comparabilité internationale, une condition préalable à une politique économique fondée sur des données probantes

La comparabilité internationale des résultats statistiques est d’une importance capitale, comme le montre l’exemple suivant: une comparaison fiable du développement économique des différents pays nécessite que les données relatives au produit intérieur brut (PIB) ou à l’inflation soient collectées et traitées selon des normes uniformes. Et de telles comparaisons sont indispensables pour tous les acteurs – les décideurs politiques, les sociétés internationales, l’OCDE ou le FMI – qui doivent procéder à des analyses rigoureuses et élaborer des stratégies coordonnées. Si aucune mesure adéquate n’est prise (priorisation par rapport à d’autres statistiques ou allocation de moyens supplémentaires, p. ex), la Suisse ne sera probablement plus à même de pouvoir garantir la mise à disposition et la publication de statistiques comparables au niveau mondial.

L’intelligence artificielle est tributaire de données de haute qualité

Des données de qualité sont une condition essentielle pour développer et utiliser l’intelligence artificielle de manière responsable. L’IA se nourrit de données existantes. Si celles-ci sont incomplètes, biaisées ou obsolètes, cela péjorera inévitablement l’output qu’elle produit. Une base de données fiable, actuelle et représentative augmente la légitimité et la crédibilité des résultats obtenus par l’IA.

Assurer la formation continue et maintenir l’employabilité

Outre l’abandon de tâches, l’OFS s’est vu imposer des mesures dans le domaine du personnel. Sauf que réduire le budget de formation est tout sauf constructif. Dans un environnement professionnel et technologique en constante évolution, la formation continue est plus que jamais essentielle pour garantir l’employabilité du personnel. L’employeur est non seulement tenu d’investir dans le développement de ses collaborateurs, il en profite directement: seules une expertise pointue et des compétences avancées permettent de maintenir le niveau élevé de qualité de la statistique. Des économies à court terme dans le domaine de la formation menacent à long terme la capacité d’innovation et de performance de l’OFS.

Pression sur les coûts plutôt que gain de connaissances

La raison évoquée par le Conseil fédéral est d’ordre budgétaire: l’OFS accuse un déficit structurel d’environ 20 millions de francs par an, dû entre autres à l’augmentation des coûts informatiques et à de nouvelles tâches non financées. Si la statistique publique doit renoncer à des résultats fondés scientifiquement et comparables au niveau international pour des raisons budgétaires, nous devons nous poser la question si, en tant que société, nous pouvons vraiment nous permettre de renoncer à des données probantes.

Dès lors qu’il n’est plus possible de comprendre l’origine des données et des informations, qu’il subsiste des doutes quant à leur qualité et que la méthodologie appliquée manque de transparence, la confiance en pâtit. La confiance, qui n’est rien de moins que le capital le plus important de toute démocratie.

Conclusion

Les récentes décisions de coupes budgétaires et leurs conséquences préoccupent profondément la Commission de la statistique fédérale. Elle invite par conséquent le Conseil fédéral à ne pas fonder ses réflexions uniquement sur des critères comptables, mais de réévaluer l’utilité réelle de ces économies à moyen et à long terme. Notamment en prenant en compte la crise de confiance, mais aussi la perte de connaissances et de compétences qui peuvent en résulter. Nous proposons au Conseil fédéral de convier les acteurs concernés à une table ronde sur l’avenir du système statistique suisse.

Commission de la statistique fédérale (KBStat)

Instituée par le Conseil fédéral, la Commission de la statistique fédérale réunit des représentants des cantons, des communes, des milieux scientifiques, de l’économie privée, des partenaires sociaux ainsi que des unités administratives de la Confédération et des organisations soumises à la loi sur la statistique fédérale. Elle a pour mission d’apporter son expertise au Conseil fédéral, au Département fédéral de l’intérieur, à l’Office fédéral de la statistique et aux autres producteurs de statistiques, sur des questions statistiques importantes, en tenant notamment compte du contexte international. La commission contribue à ce que la statistique publique réponde aux exigences d’une société démocratique.

Pour de plus amples informations: Commission de la statistique fédérale KBStat